Estelle Lebas est galeriste et expose des peintres contemporains particulièrement affûtés, des peintres comme on en cherche souvent sans grand succès, rue de Seine ou dans les expos d’art contemporain. Bien qu’elle s’intéresse à d’autres disciplines artistiques, notamment à la sculpture, le petit questionnaire que je lui ai adressé ne concerne que le domaine pictural, c’est-à-dire le domaine de sur-la-peinture.com
J.L. Turpin : maîtres anciens ou maîtres du XXe siècle, parmi les grands peintres, les caciques, quels sont ceux que vous aimez tout particulièrement ?
Estelle Lebas : le sujet est vaste et je vais tenter une réponse. Ma première émotion a été au Louvre pour une petite nature morte de Morandi : j’avais 13 ans. Pour rester dans les grands maîtres, j’ai une grande admiration pour Mark Rothko. Et surtout mon apprentissage de la peinture s’est fait dans les musées de la région du Nord à la rencontre d’Alfred Manessier, Henri Matisse, Eugène Leroy, Édouard Pignon et Arthur Van Hecke…
J.L. Turpin : comment vous êtes vous formée ou préparée à l’exercice du métier de galeriste ?
Estelle Lebas : le métier de galeriste est avant tout une curiosité pour l’invisible, l’indicible, une quête… J’ai trouvé une partie de ces réponses dans la peinture, en visitant les ateliers et enfin avec les artistes. Par ailleurs, je suis issue d’une lignée de femmes-galeriste : maman, Colette Calmein, a ouvert une première galerie d’Art Contemporain à Dunkerque en 1983-87 (j’avais 15 ans) et ma tante Guylaine Fry, la Galerie Émeraude au Touquet de 2004 à 2013 dans laquelle je me suis investie dès 2007. La passion fait le reste !
J.L. Turpin : il est notoire qu’un certain nombre d’artistes se plient à certaines exigences et même suivent une ligne définie par leur galerie. Si l’on se fie au catalogue de la Galerie Estelle Lebas, cela paraît peut probable, mais que pensez-vous de ce phénomène ?
Estelle Lebas : Je ne pense pas que ce soit possible d’exercer son métier de peintre sans être LIBRE ET SINCÈRE : La véritable aventure artistique est justement de se libérer : c’est le pinceau qui doit mener la danse ! En tant que Galeriste je ne pose pas d’exigences aux artistes que je défends : je les ai choisis pour ce qu’ils font, pour ce qu’ils sont. Je m’accorde néanmoins le droit de choisir les œuvres que j’expose. Nous travaillons en confiance.
J.L. Turpin : dans votre métier, une véritable passion pour l’art est-elle compatible avec un légitime souci de rentabilité ?
Estelle Lebas : le métier de galeriste n’échappe pas aux règles de rentabilité mais en aucune façon ces règles doivent guider mes choix d’artistes : moi aussi je veux être LIBRE ET SINCÈRE…
J.L. Turpin : depuis quelques décennies le critique d’art contemporain, à ne pas confondre avec le critique d’art, pense que la peinture est une forme d’art dépassé. A votre avis cette théorie correspond telle à une réalité quelconque ? Plus concrètement, le public boude t-il ou, au contraire, constatez-vous un enthousiasme qui ne faiblit pas pour la peinture ?
Estelle Lebas : je ne pense pas que la peinture soit dépassée : je dirai même qu’elle est nécessaire et vitale. La peinture offre une écoute différente et sensible du Monde : il faut simplement prendre le temps de la contemplation et apprendre à développer cette sensibilité. J’appellerai cela ma « mission intime » de galeriste.
J.L. Turpin : les galeries sont un rouage essentiel du monde des arts visuels. Que cherchent l’artiste et l’amateur si ce n’est une bonne galerie ? De votre côté, quelles sont les qualités essentielles que vous attendez d’un artiste de la Galerie Estelle Lebas ?
Estelle Lebas : les artistes de la Galerie ont cette quête d’être LIBRE ET SINCÈRE : le combat d’une vie.
J.L. Turpin : qui achète de la peinture aujourd’hui ? Peut-parler d’une tranche d’âge, d’un milieu social ? À votre avis, quelles sont actuellement les attentes de l’amateur de peinture ?
Estelle Lebas : il n’y a pas de profil type d’amateurs d’Art : je suis ravie quand un jeune couple investit dans son premier tableau. J’essaye d’ailleurs de présenter une large gamme de prix pour que chacun puisse trouver son bonheur. Une bonne journée est pour moi d’avoir vu briller les yeux d’un visiteur, d’avoir proposé avec l’artiste une part de rêve…
D’ailleurs, je pense que chaque galerie si elle est sincère a un profil d’amateurs d’Art qui lui correspondent et qui partagent le même rêve même si c’est impossible de le définir.
Pour en savoir (beaucoup) plus sur Estelle Lebas
Le site de la galerie Estelle Lebas
Le facebook de la galerie Estelle Lebas
Interview réalisé en juin 2017
Très belle vision et approche de son métier, elle en parle avec amour et ça nous donne une autre image des galeristes souvent perçus comme malhonnêtes… Heureux doivent être les artistes qui travaillent avec Mme Lebas