Citations

WordPress n’étant, comme tous les fleurons du secteur numérique, que ce qu’il est — je développe en annexe cette formule énigmatique — j’ai dû en rabattre et réduire mes ambitions.
Parmi le paquet de citations finement triées et, le plus souvent, accompagnées de leurs références exactes, je n’en proposerai donc qu’une petite partie. Voici au 12 décembre 2017, un assortiment de citations sur la peinture.
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ABSOLU

« Le désir de créer quelque ouvrage où paraisse plus de puissance ou de perfection que nous n’en trouvons en nous même, éloigne indéfiniment de nous cet objet qui échappe et s’oppose à chacun de nos instants. »
Paul Valéry, Degas Danse Dessin, Collection Idées, Gallimard, 1983, première parution en 1938

ACCORD COLORÉ

« Il faut en déduire que la couleur peut se ramener à des questions de surfaces, une couleur par exemple augmentant de force et d’éclat en raison de son étendue, mais en réalité ceci n’est qu’une face de la question, et il ne servirait à rien de l’envisager seule. Essayons de voir tout ce qui peut réagir sur la couleur, augmenter son expression ou la diminuer :
– Étendue de la tache colorée
– Voisinages
– Forme de la tache colorée
Ici commence le problème : essayez de saisir les lois mystérieuses qui relient entre eux ces trois éléments de la couleur et régissent les combinaisons infinies que supportent ces trois propositions.
Je ne pense pas qu’il soit possible d’y réussir autrement que par l’intuition et le pinceau à la main. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 89

« Gardez-vous de croire que la palette la plus multiple est apte à engendrer le tableau le plus coloré, soyez sûrs au contraire que c’est la palette la plus sobre qui est la plus expressive. »
« Un ton n’est beau que quand il est suggéré. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 102

« Je remarquais, ces derniers temps dans beaucoup de mes toiles et dans quelques-unes des tiennes aussi que la couleur ne joue pas le rôle qu’elle devrait jouer et qui est d’évoquer la lumière, elle est souvent trop descriptive et par suite inutile. Je vais essayer pour m’y remettre de faire des toiles avec une palette très réduite, juste un chaud et un froid. Rien n’est plus difficile que d’amener une tache colorée de façon à ce qu’elle paraisse indispensable et au lieu de tirer ce qui l’entoure, lui donne au contraire de la lumière et de la cohésion »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 127-128

« Un jour que je peignais, le noir avait envahi toute la surface de la toile (…) J’ai vu en quelque sorte la négation du noir, les différentes textures réfléchissant plus ou moins faiblement la lumière. Du sombre émanait une clarté, une lumière picturale, dont le pouvoir émotionnel animait mon désir de peindre. J’aime que cette couleur violente incite à l’intériorisation. Mon instrument n’était plus le noir mais cette lumière secrète venue du noir. D’autant plus intense dans ses effets, qu’elle émane de la plus grande absence de la lumière. Je me suis engagé dans cette voie. J’y trouve toujours des ouvertures nouvelles. »
Soulage (je n’ai pas la référence)

APPRENTISSAGE

« (…) emplir ses yeux des fortes visions colorées des étendues vertes et bleues, où tous les verts et tous les bleus se mêlent et ce succèdent, où toutes les cultures et tous les arbres et tous les horizons noyés installent dans le souvenir d’indestructibles harmonies que fixent le poids des moissons, l’épaisseur des terres labourées, la profondeur des nuages qui pacourent un grand ciel »
Elie Faure, Histoire de l’art, Bartillat, (1921) réédition 2010, p. 485

« Au début, ayez la dure volonté d’accepter les barrières. Au prix de ce sacrifice d’abord consenti, vous pourrez sans danger, oublier ces directives, vous fier à vos seules forces, c’est-à-dire à votre sensibilité propre, car en dernier ressort, c’est le cœur qui justifie tout, et là, je ne puis plus rien pour vous ! »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994,

« Bissière s’est longuement cherché ; cette quête méthodique, scrupuleuse, douloureuse aussi de lui-même, faillit le conduire à quelque impasse. »
François Mathey, Introduction, Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964,, Le temps qu’il fait, 1994, p. 14

ACTEURS

« La principale ambition de tout nouveau critique est de trouver les sources du mouvement qu’il adopte ou bien au contraire d’inventer un mouvement ou une tendance mal reconnus. »
Pierre Francastel, Peinture et société, Denoël, 1984, p. 226

« Pratiquer l’amateurisme éclairé et collectionner nécessitent des connaissances de base vastes et solides. »
Rochers de lettrés, Itinéraire de l’art en Chine, Catalogue du Muset Guimet, Paris, mars 2012, p. 43

« La plastique du jour la plus elliptique, la plus succincte, n’est pas seulement préservée de ce genre d’impertinences par une critique d’art qui conjure tout reproche possible d’incompréhension de la part d’une postérité moqueuse par une sur compréhension instantanée et dévote (…) Chaque individualité de la création visuelle a désormais sa référence normative propre. Chacune imprime sa monnaie, et toutes prétendent avoir un cours légal. A chacun son code et que tous les codes se valent »
Debray Régis, Vie et mort de l’image, Gallimard, 1992, p. 72

AVENTURE

« Il n’est pas de peinture valable sans acceptation du danger. Le danger est la condition même de toute «création plastique. Un tableau n’est pas la somme de nos expériences. Mais une aventure toujours renouvelée. Une bataille dont l’issue est toujours imprévisible. Où nous risquons de tout perdre. »
« Je tâche de pousser mon tableau jusqu’à la limite de mes forces. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 38-39

CHAINE DES MAITRES

« Il y a toujours des moments qui déclenchent vraiment quelque chose et qui sont décisifs pour toute la vie. Et la vue des œuvres de Goya en fut un. Et du Gréco aussi. Je me souviens d’ailleurs avoir écrit à ma mère pour lui dire que la simple vue des mains peintes par le Gréco valait la peine de venir à Madrid. »
Zoran Music, l’homme intérieur, propos recueillis par Henri-François Debailleux, Libération du 4 septembre 1992

« Il est vraiment permis de parler, par ailleurs, vers le milieu du siècle, de l’avènement d’une nouvelle génération, celle des hommes nés avec le siècle et qui ont déjà eu pour modèle les premiers chefs-d’œuvre de la nouvelle manière. C’est Piero della Francesca, né en 1420 environ ; Gozzoli, né en 1427 ; Filippo Lippi, né en 1406 ; Baldovinetti, né en 1427 ; Jean Bellini, né en 1428 ; Antonio de Messine, né vers 1430. Leur œuvre s’échelonne entre 1450 et 1480. Après eux viendra la troisième génération du Quattrocento… »
Pierre Francastel, Peinture et société, Denoël, 1984, p. 36

« Il était un peintre (Braque) de tradition française comme j’espère l’être. Il a continué en la renouvelant cette chaîne ininterrompue qui va du moyen âge à Cézanne et Renoir en passant par Corot. Dans tout ce qu’il a créé, il ya toujours cette rigueur, ce sens de la mesure et de l’équilibre, cette sobriété aussi qu’on ne trouve qu’entre l’Atlantique et le Rhin et qui demeure notre meilleur et notre plus précieux héritage »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 77

« Premier peintre italien (Cimabue) d’une force, une puissance de construction et une vie extraordinaire, peut être plus abouti qu’aucun autre peintre italien. »
Alberto Giacometti, écrits (Articles, notes, entretiens), Savoirs/sur l’art, Hermann, p. 406

« Le même après-midi, en entrant dans la chapelle de l’Arène à Padoue, je reçu un violent coup de poing en pleine poitrine devant les Giotto. J’étais désorienté et perdu, j’éprouvais immédiatement une peine immense et un grand chagrin. Le coup de poing atteignait aussi le Tintoret. La force de Giotto s’imposait à moi irrésistiblement, j’étais écrasé par ces figures immuables, denses comme du basalte, avec leurs gestes précis et justes, lourds d’expression et souvent de tendresse infinie, comme la main de Marie touchant la joue du Christ mort. Il me semblait que jamais aucune main ne pourrait faire un geste autre dans une circonstance analogue. »
Alberto Giacometti, Écrits (Articles, notes, entretiens), Savoirs/sur l’art, Hermann, p. 125

CLASSIFICATION

« Parce qu’elle est ainsi commode et rassurante, l’histoire de l’art est généralement étudié selon des classifications astucieuses analogues à celles des botanistes. On classe, on catalogue, et dès l’instant qu’un peintre peut être fiché selon des quelques préconçus, il risque de faire à tout jamais carrière parmi les thèses et les manuels, sous sa propre rubrique, s’il est définitivement irréductible, sous celle d’un autre s’il répond, de près ou de loin, aux caractères généraux de celui-là »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Introduction (François Mathey), Le temps qu’il fait, 1994, p. 13

« Je ne suis pas un abstrait, du moins comme on l’entend aujourd’hui, sinon ma peinture serait exclusivement un produit de l’intelligence ; elle conduirait à quelque système et n’aurait pas de sens humain. Je ne suis abstrait que dans la mesure où le furent les peintres de tous les temps – Rembrandt ou Corot – lorsqu’ils suggèrent ou appellent une émotion. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 113

COMMUNICATION

« Je ne suis pas loin de croire, pour ma part, que nous allons vers un temps où le signe figuré et les techniques artistiques reprendrons le pas sur le signe écrit. Cinéma, affiche, réclame, peinture, et architecture, de toutes parts des appels sont faits aux hommes par les yeux, par des signes abrégés qui exigent une interprétation rapide. »
Pierre Francastel, La réalité figurative, Denoël/Gonthier, 1978, p. 41

« Plus que jamais les hommes communiquent entre eux par le regard. La connaissance des images, de leur origine, de leurs lois, est une des clefs de notre temps. Pour nous comprendre nous-mêmes et pour nous exprimer, il est nécessaire que nous connaissions, à fond, le mécanisme des signes auxquels nous avons recours »
Pierre Francastel, La réalité figurative, Denoël/Gonthier, 1978, p. 41-42

COMPOSITION

« Vouloir transporter la scène du monde sur la scène théâtrale, c’est croire à tort qu’un attroupement de la rue constitue par lui-même un spectacle merveilleux et harmonieux : c’est croire à tort que la magie de l’art est inutile, voire corruptrice et considérer que la nature brute et un arrangement fortuit se suffisent à eux-mêmes. C’est oublier précisément que l’art est nécessaire pour embellir la nature, qu’une femme n’est belle que parce qu’elle ressemble à une Vierge de Raphaël et que, sans les artifices et conventions de l’art on obtiendrait seulement une étrange cacophonie. »
Domenach Jean-Marie, Rosolato Guy, Deloche Bernard… L’imitation aliénation ou source de liberté ? Rencontres de l’école du Louvre, La documentation Française, 1985, p. 224, Sarah Kofman

« (…) la traduction en qualité mathématique d’une œuvre d’art est légitime, mais elle ne doit pas nous donner l’illusion qu’en établissant des rapports entre les arts et les mathématiques nous touchons aux véritables causes. »
Pierre Francastel, Peinture et société, Denoël, 1984, p. 237

« Le dessin doit avoir une force d’expansion qui vivifie les choses qui l’entourent »
Matisse Henri, Propos et écrits sur l’art, Savoir, Hermann, 1993

« Quant au sens de la composition, ce n’est pas une règle à calcul et un livre sur le nombre d’or qui vous la donneront. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 53

« La peinture, comme le dessin, vit de rapports, n’envisagez jamais une partie isolée du tout. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 101

« Sans elle, une production ne pourrait guère prétendre au titre et à la qualité d’œuvre d’art; c’est seulement par la composition qu’est garantie l’authenticité de notre métier. Dans l’ignorance de la composition nul n’a jamais pu accomplir une œuvre de quelque profondeur. »
Plin Roger, Dessin Etudes, Notices techniques, D.I.N.T.

DESSIN

« Ce que je crois, c’est que, qu’il s’agisse de peinture ou de sculpture, au fond il n’y a que le dessin qui compte (…) »
Alberto Giacometti cité par ‎‎Jean Leymarie dans Le dessin : histoire d’un art, Genève, Skira, 1979,

(LES) DEUX DIMENSIONS DU TABLEAU

« Je vois même dans les musées, de faux chefs-d’œuvre condamnés par le désaccord de leur parties, et déshonorés par des trous dans leur composition. »
André Lhote, Les invariants plastiques, Hermann, Miroirs de l’art, 1967 (1948), p. 91

DIALOGUE avec les œuvres

« Le chef-d’œuvre ne maintient pas un monologue souverain, mais un invincible dialogue (avec les siècles) »
Malraux, La métamorphose des dieux, Gallimard, 1976

« Contempler une œuvre d’art c’est continuer le dialogue avec les anciens à travers le temps et l’espace, en s’efforçant de voir avec leurs yeux »
Rochers de lettrés, Itinéraire de l’art en Chine, Catalogue du Muset Guimet, Paris, mars 2012 p. 43

DIFFICULTÉS DU MÉTIER

« En effet, la peinture étant un art d’un raisonnement profond et qui demande la concurrence immédiate d’une foule de qualités, il est important que la main rencontre, quand elle si met à la besogne, le moins d’obstacles possibles et accomplisse avec une rapidité servile les ordres du divin cerveau : autrement l’idéal s’envole »
Baudelaire, Critique d’art, suivi de Critique musicale, Folio essais, 2005, p. 93

DROITS DE LA PEINTURE

« Des siècles durant, le langage proprement plastique fut tenu par les artistes pour une sorte de secret, souvent subordonné, il ne fût jamais ignoré. »
André Malraux, Les voix du silence, Gallimard, 1951

« (…) tant qu’une œuvre d’art, ou une image, est restée une production collective ou anonyme, cela indiquerait que l’œuvre était au service d’une religion, d’un rite ou, au sens plus large, d’une fonction magique. La nécessité de nommer l’artiste manifeste une vision de l’art en tant que tel, c’est à dire comme recherche d’une réussite esthétique spécifique – ce que « l’art pour l’art » a poussé à l’extrême – qui s’affirme dans le désir grandissant de lier le nom du maître à son œuvre »
Joly Martine, Introduction à l’analyse d’image, Saint-Germain-du-Puy, Nathan Université, 2003 p. 37

« Jusqu’au dix-huitième siècle, l’art était au service de la société ou de la religion ; l’artiste ne concevait son action que comme une nécessité pour la société dans laquelle il vivait. Son œuvre était une sécrétion sociale. La liberté lui est aujourd’hui rendue. »
Alberto Giacometti, Ecrits (Articles, notes, entretiens), Savoirs/sur l’art, Hermann, p. 248

ENSEMBLE / TOTALITÉ

« En un mot, il ne réalise pas seulement, il invente. Peu lui importe que son entourage trouve aisément un repère. Dans la mesure où il crée un système cohérent, un ensemble (…) »
Pierre Francastel, La réalité figurative, Denoël/Gonthier, 1978, p. 19

« Les éléments qui composent toute création plastique sont indissolubles. Si dans la texture du tableau il subsiste un seul trou, tout s’écroule. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 39

« Peindre un objet est déjà une tâche difficile, mais en ajouter un second devient un problème angoissant, si l’on veut faire une œuvre d’art, c’est-à-dire un tout, où les objets, quoique séparés, se trouvent liés entre eux. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 90

« Aucun objet n’a droit à une vie indépendante, chacun doit faire partie d’un tout (…). »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 91

« C’est au cours des périodes de décadence que l’intérêt majeur de l’artiste s’est porté sur le développement des détails et des formes secondaires. »
Henri Matisse, Propos et écrits sur l’art, Savoir, Hermann, 1993

« Un tableau de Delacroix (…) laisse toujours une impression profonde, dont l’intensité s’accroît par la distance. Sacrifiant sans cesse le détail à l’ensemble, et craignant d’affaiblir la vitalité de sa pensée par la fatigue d’une exécution plus nette et plus calligraphique, il jouit pleinement d’une originalité insaisissable, qui est l’intimité du sujet. »
Baudelaire Charles, Critique d’art, suivi de Critique musicale, Folio essais, 2005, p. 94

EXPRESSION PLASTIQUE

« Piero est le symbole même de la sensibilité moderne qui veut que l’expression du peintre vienne de sa peinture, ses personnages comme ceux des grands peintres sont sans expression (…) l’expression est dans sa peinture. »
Malraux André, Les voix du silence, Gallimard, 1951

« Vos peintures marquent une prédilection pour certaines couleur, le rouge, le noir, et un relatif dédain pour d’autres, le bleu. Y a-t-il une raison précise?
Antoni Tàpies : Lorsqu’il s’agit d’un concert, personne ne s’avise d’aller demander des explications à un musicien. Mais dès qu’il s’agit de peinture, l’artiste est mis en demeure de fournir des éclaircissements. On continue à attendre d’une peinture qu’elle joue un rôle de document visuel. Oui c’est vrai le rouge et le noir me sollicitent d’avantage que le bleu, mais à quoi bon en chercher la raison ? »
Libération, Rencontre avec Antoni Tàpies, par Antoine de Baecque et Hervé Gauville, lundi 15 décembre 2003

ESPACE

« On sait désormais qu’une couleur doit être maniée non seulement en fonction de la loi des complémentaires – séculairement respectée – mais en considération du fait qu’elle garde en soi une valeur de signification spatiale absolue. Le bleu éloigne et le jaune rapproche. Une telle découverte a bouleversée toute la technique. Elle a achevé de rompre les relations traditionnelles entre le dessin et la couleur. Celle-ci n’a plus besoin d’être définie ou complétée par un trait, elle possède, en elle-même, toute sa signification spatiale. On peut construire un espace complexe rien que par la juxtaposition de taches colorées. Il n’est plus nécessaire de recouvrir de petites touches un canevas linéaire, fût-il à peine ébauché. »
Pierre Francastel, Peinture et société, Denoël, 1984, p. 216

« Manet ouvre la voie, dans cette œuvre extraordinaire, à toutes les représentations de l’espace fondées sur les contrastes de plans colorés ou simplement lumineux. (…) En fait, par le seul jeu des valeurs sans la couleur, il ouvre une voie parallèle à celle qui, par Van Gogh et les fauves, constitue une des voies de recherche fondamentale de l’art contemporain. »
Pierre Francastel, Peinture et société, Denoël, 1984, p. 190

FAIT PICTURAL

« Une œuvre d’art n’est jamais le substitut d’autre chose ; elle est en soi la chose, simultanément signifiante et signifiée. Je reviendrais à loisir sur ce point capital ; je ne désire, pour l’instant, qu’insister sur le fait qu’une œuvre d’art n’est pas un doublet de quelque autre forme que ce puisse être, mais vraiment le produit d’un des systèmes à travers lesquels l’humanité conquiert et communique sa sagesse tout en réalisant ses œuvres. »
Pierre Francastel, La réalité figurative, Denoël/Gonthier, 1978, p. 13

« Une bonne peinture, (…), se recommande à ceci qu’elle ne demande qu’à être vue. La peinture ne transmet pas un sens, mais elle fait sens par elle-même. »
Clément Rosset cité par Debray Régis, Vie et mort de l’image, Gallimard, 1992

FIGURATION

« C’est comme si la réalité était continuellement derrière les rideaux qu’on arrache… Il y en a encore une autre… toujours une autre. Mais j’ai l’impression, ou l’illusion, que je fais des progrès tous les jours. C’est cela qui me fait agir, comme si on devait bel et bien arriver à comprendre le noyau de la vie. Et on continue, sachant que, plus on approche de la « chose », plus elle s’éloigne. La distance entre moi et le modèle a tendance à augmenter sans cesse ; plus on s’approche, plus la chose s’éloigne. C’est une quête sans fin. »
Alberto Giacometti, Ecrits (Articles, notes, entretiens), Savoirs/sur l’art, Hermann, p. 247

GENRE

« Delacroix désire renouer avec le modèle de l’artiste humaniste de la Renaissance, par-delà le modèle de l’artiste académique instauré au XVIIe siècle. Le système académique, élaboré par Colbert et Louis XIV, puis libéralisé à la Révolution par la Convention, avait normalisé et professionnalisé le métier d’artiste en divisant les arts, les genres, les œuvres, selon des principes hiérarchiques qui différenciaient théorie, technique et pratique artistiques. »
Genet-Delacroix Marie-Claude, « Delacroix et les « Néos » : pour le vrai contre le faux », Sociétés & Représentations, 2005/2 (n° 20), p. 225-243. DOI : 10.3917/sr.020.0225. URL : https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2005-2-page-225.htm

HABILETÉ, ADRESSE

« Encore un habile ― mais quoi ! N’ira-t-on jamais plus loin ? »
Baudelaire Charles, Critique d’art, suivi de Critique musicale, Folio essais, 2005, p. 64

« La photographie donne une vision suffisante du monde extérieur pour que l’artiste soit libre de peindre son intérieur, ou son inconscient, ou ses sensations. »
Alberto Giacometti, Écrits (Articles, notes, entretiens), Savoirs/sur l’art, Hermann, p. 249

HUMANITÉ

« Mais par-delà il y avait dans tout ce qu’il touchait une humanité profonde, le cœur était toujours engagé et pourquoi il demeurera le peintre peut-être le plus essentiel de cette génération, celui qui a créé une œuvre où tout homme digne de ce nom reconnaît ce qu’il a de meilleur et de plus valable »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 77

« En dernière analyse, je demeure persuadé que la qualité d’une œuvre d’art se mesure à la somme d’humanité qu’elle contient et qu’elle dégage. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 113

IDÉAL

« Devant ma toile je ne pense pas au chef d’œuvre. Je ne pense même pas au résultat. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 37

INEFFABLE

« Si tout est là immédiatement, vous voyez tout du premier coup d’œil et, ensuite, cela vous ennuie car il n’y a plus rien à découvrir. S’il n’y a pas de mystère, c’est sec et il est complètement inutile de faire de la peinture. Autant faire des affiches et tout livrer tout de suite. Mon souhait, au contraire, serait que, dans mes toiles, on puisse toujours trouver quelque chose de nouveau. C’est ce qui se passe avec la grande peinture. »
Zoran Music, l’homme intérieur, propos recueillis par Henri-François Debailleux, Libération du 4 septembre 1992

IRRÉDUCTIBLE

« L’erreur fondamentale qui est commise est de croire que les valeurs rendues manifestes par l’artiste doivent être traduite en langage pour toucher la société. Qu’il s’agisse de musique ou d’art figuratif, on doit se rendre compte que l’œuvre constitue par elle-même le médium qui rend possible la communication. Paraphraser une symphonie de Beethoven est aussi vain que de décrire un Cézanne. »
Pierre Francastel, La réalité figurative, Denoël/Gonthier, 1978, p. 13

« En vérité, vouloir comprendre la peinture, c’est vouloir expliquer l’inexplicable. Il n’est pas question de comprendre, mais d’aimer. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 112

« (…) il n’y a pas d’équivalent verbal d’une sensation colorée. »
Debray Régis, Vie et mort de l’image, Gallimard, 1992, p. 47

« À de nombreuses reprises, Ropars affirme que l’image ne pense pas, qu’au mieux elle dissimule la pensée en l’entraînant, parce que « ce que la pensée invente […] dans l’attraction de l’image se dérobe à la formulation de la pensée […] » … risquons une lecture … Le sens est bien ce que traite l’image, mais comme on ne saurait l’accepter sans s’en défier, il faut le prendre comme indéfiniment problématique. »
Jacques Amont, « Une espèce de puissance », Critique, Arrêts sur l’image, juin-juillet 1996, 589-590, p. 555

INTEMPOREL, ATEMPOREL

« Je vous répète que je ne vais pas à la découverte de la réalité, mais de l’instinct profond et primitif venu du fond des âges et qui, peu à peu, surgit de moi-même. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 113

« Qui dit « c’est beau » reconnaît une aptitude à traverser le temps et à en émouvoir d’autres que moi. Le « c’est beau » : plus qu’un brevet de qualité, un certificat de pérennités. Cela ex-iste, con-siste, se tient debout. Fera signe et repère. Là est « le miracle de l’art » : la suppression des distances. »
Debray Régis, Vie et mort de l’image, Gallimard, 1992, p. 38

« C’est donc à raison de son archaïsme qu’une image peut rester moderne. A l’inverse, parce qu’elles font abstraction des corps et de la peur, les images automates, exaltées comme «nouvelles» et qui, hélas pour elles, le sont sans doute, auront peut-être plus de mal à rester. A consister. A résister (à l’obsolence de leurs techniques de fabrication). Sans valeur d’émotion, elles n’auront bientôt plus que valeur de document. Parlant pour leur temps, mais pour rien d’autre, et emportées avec le flot audiovisuel, elles échoueraient en quelque sorte à devenir anachroniques, privilège auquel accèdent les images que nous disons d’art parce qu’elles nous communiquent l’immémorial tremblement (ou la saveur de notre perte que le cerveau «reptilien» garde en mémoire») »
Debray Régis, Vie et mort de l’image, Gallimard, 1992, p. 39

« Tout l’art du passé, de toutes les époques, de toutes les civilisations surgit devant moi, tout est simultané, comme si l’espace prenait la place du temps. »
Alberto Giacometti, écrits (Articles, notes, entretiens), Savoirs/sur l’art, Hermann, p. 165

INTÉRIORITÉ

« Et quand je quitterais ce monde, si une part de mon œuvre conserve encore perceptible un parfum de poésie et d’humanité, j’irai dormir sans révolte parmi cette terre, ces arbres et ces fleurs que j’ai tant aimés. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 137

« En purifiant son esprit par la beauté des arts pérennes on peut répondre à un environnement en constante mutation sans pour autant aller dans le sens du courant. »
Rochers de lettrés, Itinéraire de l’art en Chine, Catalogue du Muset Guimet, Paris, mars 2012, p. 44

« La peinture doit venir de l’intérieur ; autrement elle demeure superficielle. »
Zoran Music, l’homme intérieur, interview, Libération du 4 septembre 1992

LUMIÈRE

« La belle couleur est constituée par un ensemble de tons qui par leurs réactions les uns sur les autres produisent une sensation lumineuse. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 90

« Or, il n’y a de lumière pour un peintre, que dans la couleur ; un orangé est plus lumineux qu’un vert acide, un vert qu’un bleu ; on peut trouver d’infinies combinaisons sur ces données primordiales, essentielles et suffisantes […] »
André Lhote, Les invariants plastiques, Hermann, Miroirs de l’art, 1967 (1948), p. 82

MIMESIS

« Nous sommes maintenant en mesure de comprendre, au moins pour l’essentiel, quel lien nécessaire rattache la pratique renaissante de l’imitation à l’humanisme, ainsi précisément pris. Nous avons vu que les artistes pratiquaient non une imitation reproductive mais une» imitation critique », dans un esprit de rivalité, d’émulation avec le modèle. »
Domenach Jean-Marie, Rosolato Guy, Deloche Bernard… L’imitation aliénation ou source de liberté ? Rencontres de l’école du Louvre, La documentation Française, 1985, p. 158, Jean-François Lavigne

« Ne copiez pas la nature, faites un choix parmi les éléments qu’elle vous offre. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 101

« La nature est une chose, la peinture en est une autre, et elles n’ont que peu de rapports communs. Il n’est pas question de décrire le monde mais de le recréer selon des normes nouvelles. »
Bissière Roger, T’en fais pas la Marie, écrits sur la peinture 1945-1964, Le temps qu’il fait, 1994, p. 113-114

« Je suis convaincu que la copie d’un chef-d’œuvre est la meilleure école qui soit pour tout artiste qui décide d’en réaliser. De tout temps, les grands artistes en furent conscients : Michel Ange réalisa des copies d’après Giotto et Masaccio, Rubens d’après Titien, Ingres d’après Raphaël, et plus tard, Delacroix d’après Rubens et Rembrandt, Manet d’après Delacroix, et Matisse d’après Chardin et ainsi de suite. »
Alberto Giacometti, Écrits (Articles, notes, entretiens), Savoirs/sur l’art, Hermann, p. 193

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